mercredi 13 janvier 2010

Dieu

Mercredi 7 avril 2003
Dieu,
Aujourd’hui, ma vie va s’achever. Ou plutôt devrais je dire : aujourd’hui, je m’achève. Parce que ce que j’ai vécu n’est pas une vie. Et je T’écris une lettre, à Toi Dieu, parce que je pèche, encore. Même ma mort est un péché. Toute ma vie l’a été. Je pense en écrivant cette lettre que je n’aurai pas du vivre. J’aurai du repartir de là où je venais, j’aurai du dés le début marcher là où la société m’a enfermé toute ma vie : un couloir. Je n’ai suivit qu’un couloir dans lequel j’ai du faire marche arrière. Je le connais par cœur aujourd’hui, et je n’en peux plus de le voir. Il est vide. Les murs sont blancs. Hôpital. La mort. Encore la mort. Elle m’a suivie. Je suis né noir dans un couloir blanc. Le contraste était déjà proclamé.
Je pense qu’il y a trois tares pour la société aujourd’hui : il y a les Noirs, il y a les pauvres, et il y a les homosexuels. Je peux donc dire que je suis une tare multipliée par trois. Et c’est dur. Pourtant, je ne m’en suis jamais plaint. Je crois que mes Pauvres et Miséreux parents Noirs m’ont trop mal éduqués… J’aurai du crier comme tant d’autres artistes. J’aurai du me shooter à la cocaïne et écrire et crier « Dieu, je suis une pédale ! ». Ah ! cette insulte, je l’ai tant entendue. Oubliez l’apostrophe et vous saurez ce que j’ai le plus entendu dans ma vie. Des noms de footballeur s’attachaient à moi sans que je ne m’attache à leur sport, parce que les gens, n’importe qui et tout le monde, ne font plus la différence entre chacun : Henry est Noir, ce Noir s’appellera Henry, et on lui criera dans la rue qu’on est les champions. Rien que l’utilisation de ce pronom, « on », prouve bien que le monde n’est plus qu’un.
Aujourd’hui, j’en veux à tellement de gens que je ne sais plus à qui me plaindre, alors je T’écris. Mon statut transformera cette lettre en posthume, et le monde saura enfin mon nom. Je suis un raté, parce qu’écrivain célèbre et endetté, au nom inconnu. Mais ce n’est pas le pire. Le pire, c’est toujours le dernier : on m’a toujours dit qu’étant le cadet de la famille, j’avais été fait avec des restes. Ma famille a eu beaucoup d’humour… Le pire, c’était que je n’ai jamais su cacher le sentiment le plus fort. Et le plus fort c’est l’Amour. Je me suis introduit comme un péché et pour cause : j’ai menti, écris un tas de livres dont des autobiographies mensongères, je n’ai Ô non jamais fait vœux de chasteté bien au contraire, et mieux, je péchais dans mon péché sexuel. Je suis une tare anormale. L’homosexualité ne devrait pas être perçue comme telle. Si j’écris aujourd’hui, c’est pour tous les dérangés de mon espèce, tous les animaux qui peuplent la Terre et que Tu devrais exterminer avant qu’ils ne le fassent du peuple que tu as créé. Te souviens Tu d’Eve, d’Adam ? Tu as créé deux êtres magnifiquement différents, et les Autres les contaminent, les envahissent de l’intérieur. Fais attention Grandeur, Tu seras bientôt perdu Toi aussi. Mais je prierai pour eux dans ma mort. N’est-ce pas contradictoire ? Je prierai pour leur liberté, leurs droits, je me mettrai à genoux avant de sauter, et je chuchoterai Ton nom pour eux. Quelqu’un m’a dit un jour que la liberté, c’est quand on n’a plus de désirs, plus d’envies. Je pense que la liberté est de pouvoir les réaliser. Et je me demande pourquoi toute ma vie, j’ai été emprisonné. Pourquoi jamais je n’ai pu me sentir libre de pouvoir faire tout ce dont j’avais envie ? On m’a retiré le mariage, on m’a retiré la descendance… Pourquoi m’a-t-on empêché de vivre l’amour avec la personne que je n’ai cessé d’aimer alors qu’il rend si heureux ? Se blottir dans les bras de quelqu’un, sentir sa chaleur se combiner à la votre, se purifier avec son rire, s’hydrater de ses paroles… J’ai quarante ans. Deux tiers de ma vie durant, je me suis endormi sur un tas de feuilles cornées pour ne pas retrouver un lit abandonné parce qu’on l’aura vidé de ses amours. Mes écris sont noctambules, en manque de présence. Je n’étais ni pédophile, ni violeur, j’étais juste célèbre et homosexuel, et on a voulu faire de moi un intrus. Et est-ce qu’un homme qui ne demande qu’à être aimé par son semblable doit il être considéré comme le poison ? L’artiste n’a toujours été qu’un poison, et l’artiste marginal n’est que pire encore. L’artiste est alors un incompris voué à l’échec, voué à mourir.
Je suis Claude Gueux et je meurs d’avoir été séparé de l’Amour. Je suis l’Etranger et je plonge pour mourir le plus loin de Toi, parce que tu m’as abandonné.
Bien à Toi, Puissant. Marc.

1 commentaire: