vendredi 18 septembre 2009

Autoportrait d'une injustice de bonheur

Je me souviens, ma renaissance. C’était un matin, comme chacun. J’avais violemment frappé The Connels et m’étais extirpé d’une langueur réconfortante. A genoux sur l’œuvre d’un fabriquant aux intentions perverses, je me retrouvais face à ma glace. J’eu l’impression que l’on me regardait mais ça n’était pas gênant, au contraire, plutôt troublant. Comme si quelqu’un, n’importe qui, dans une rue innocente à tous regards intéressés, me fixant, trouvait derrière ces habits trop larges qu’étaient les miens, un corps aussi pur qu’une âme.
Ces vêtements, je les avais quittés précipitamment la veille, je les avais laissé dormir aux pieds de mon lit. J’étais nue, mais dans la glace, seulement à l’intérieur d’elle, j’étais belle. Quelques mèches de mes cheveux rebellent, qui avaient prit cette teinte dorée et chatoyante de l’été, s’étaient bouclés pendant mon sommeil… Tous les jours, des produits de beauté divers luttaient contre cette révolution, et leur victoire était parfois passionnante. Ma frange, à chaque réveil, fuyait mes yeux, décidant ainsi de les mettre en valeur. Mon regard, troublant regard, me fixait dans la glace, comme il fixait, et encore aujourd’hui, le monde environnant. Il était beau par l’étirement des paupières, la noirceur de courts cils, leur pupille colorée de fraîcheur printanière, d’un ciel sans nuage, d’une herbe juste coupée, d’un soleil brillant… il était beau par ma façon de le cacher, et de cacher alors un peu de ce que j’étais. A l’intérieur, dans cet espace d’une couleur qui n’existe pas, sombre, au centre de ce jeu saisonnier et coulant vers l’extérieur, je pouvais percevoir une illumination, quelques étoiles scintillant le bonheur, l’amour, reflétant la forte envie de rire, de pleurer d’être autant heureuse, de chanter cet air vivifiant, un air de rock, un air d’amour.
Je souriais donc beaucoup à cette époque, et si je ne souriais pas, si mes fines lèvres tant abîmées par l’angoisse, le temps, souvent étirées par un sourire ironique, un rire cristallin, ne dévoilaient pas des dents joliment alignées, mais plus très brillantes, c’est que je pleurais. Alors, un menton tremblant, carré, un front plissé, trop grand, plat, un nez encombrant, gâchaient mon sourire, gâchaient mon regard…
C’était ainsi que je me voyais, mais les pleurs ne tuèrent ni ma vie, ni mon bonheur, par mes yeux inondés.
Ce jour, comme tant d’autres, j’étais heureuse. Je prenais conscience dés l’ouverture de paupières amoureuses des pupilles, de la beauté que peut caresser la vie quand elle est d’humeur généreuse. Elle avait prit forme en mes mains, ce matin là, et s’était posée, impudique, sur ma poitrine trop jeune pour avoir l’indécence de se montrer, de s’exhiber. Ses mains, aux doigts longs de pianiste et aux ongles nacrés, reflétaient par le soin que je leur donnais, une « maniaquerie à l’irréprochable » : toute ma vie, je les ai posé dans le ciel, j’en ai couvert le Soleil, j’ai admiré leur talent d’écriture, j’ai jouis de chatouiller, de faire glisser une matière entre mes doigts. Les voyant posées sur mes seins, sur ces épaules affaissées, sur ces hanches pointues, sur ses longues jambes, sur ce corps inconnu, imparfait, je ne me trouvais pas jolie, mais je ne me trouvais pas laide non plus.
Cependant, ce jour là, je me suis vue, moi, à travers ce corps… J’ai vu le bonheur parfois seulement gâché par un vide, une faille, une simple craquelure à l’intérieur, quelque chose qu’on ne peut pas décrire, un cœur plein de sentiments rieurs, amusés qui parfois, souffrent de ne pas pouvoir pleurer. Oui, j’étais comme cela à cette époque : je trouvais de l’injustice à ce sourire béat sur mes lèvres, alors j’en pleurais. Je crois que j’en pleurais de rire.