samedi 14 novembre 2009

Avant, ma mère était un sushi

Je me souviens encore de la première fois où j’ai regardé ma mère pleurer. Je l’avais déjà vu, mais jamais regardée. Parce que cela me torturait le cœur, ses larmes étaient des poignards qui s’enfonçaient en moi. Ce jour-là, j’envisageai mon dernier sushi d’un air consterné, et j’y enfonçai ma fourchette violemment. Toute la construction s’effondra. Je voyais ma mère à travers ce petit paquet de riz cassé en deux. Elle était un petit paquet de riz. Et puis mes yeux roulèrent vers les siens. Elle me fixait attentivement. Se disait-elle à ce moment là que j’étais sa fille, que ce n’était pas à moi qu’elle devait dire tout cela ? Je ne sais pas. Je n’en pouvais plus.
C’était les premiers jours après son départ. Elle avait pris un an à se décider, plus le temps passait, plus nous croyons l’étau se desserrer. Et puis non, un jour, elle nous a jeté : « Je pars. » Je crois que l’on mangeait des sushis ce jour là aussi. Depuis, je ne la voyais que pleurer, pleurer toutes les larmes retenues depuis vingt ans. Chaque midi, quand nous nous retrouvions face à un plat de surgelés, elle me posait des questions sur la santé de mon père, la mienne, et à chaque fois je lui répondais tout ce que je pensais, absolument tout, et à chaque fois elle pleurait. Elle me parlait d’une voix faible et chevrotante, elle m’expliquait les raisons de son choix, et c’était moi qui aurait dû pleurer, parce qu’elles étaient minables, parce que sa décision avait fracassé les liens de notre famille. Alors ses yeux s’humidifiaient, se mettaient à briller, et des larmes en coulaient sur le bord de ses joues. Je me levai, lui amenai un mouchoir, et elle, elle retirait ses lunettes, et elle essuyait son visage avec application. Je détestais ça. Elle ne se décomposait même pas, elle pleurait, mais avec dignité. Elle me disait qu’elle n’en pouvait plus de la vie qu’elle vivait : mais si elle avait véritablement pleuré, si des larmes sorties du fin fond de son cœur avaient coulées comme un torrent se déchaîne sur l’amont d’une montagne… alors peut-être serait-elle revenue un jour. Au lieu de cela, elle s’acharnait à me raconter à moi tous les périples du couple parental, comme si elle voulait que je craque, que je cris, que je fuis... Notre relation se résumait à cela : parfois, le soir, je me couchai, et en pensant au fait que je n’avais pas vu ma mère depuis longtemps. Alors le lendemain, je pensais à l’appeler. Nous avons vite appris à ne pas régler nos compte au téléphone : ils empiraient notre situation parce qu’elle, en plus d’aller mal, me faisait mal, parce qu’elle avait laissé une famille parfaite dans laquelle le bonheur l’est presque tout autant, parce qu’elle avait brisé les cœurs dans ce Modèle… Je l’invitai, je lui proposai de manger avec moi. Ces soirs-là, je faisais abstraction de sa tristesse déployée comme un trésor à mes yeux, comme si jamais elle n’avait craqué devant moi. Alors nous mangions, elle me parlait, elle pleurait, je la voyais pleurer sans vraiment y faire attention, et puis je lui disais que je la comprenais. Elle se calmait, me posait une question, et j’essayai de combler un silence qui aurait été trop pesant.
Le jour où j’au eu le courage de la regardé pleurer, et plus seulement vu, me semble être le jour depuis lequel elle a à nouveau rit.

Lettre pour la télévision

samedi 14 novembre 2009
Monsieur,
Je devrais vous remercier parce que l’usage le conseil, mais je n’en suis pas capable. Votre attention ne m’a pas touché, alors que je pense que c’est le premier sentiment qu’elle devrait inspirer pour que quiconque accepte votre proposition. Elle m’a vexé. Vous pensez sûrement que le narcissisme me tuera, mais c’est différent. Je crois que vous ne m’avez pas compris. A travers toutes mes créations et mes établis, je dénonçais l’éclat de l’intime face au monde, je dénonçais la demande que vous m’avez faite. Avez-vous seulement lu mon roman, ou n’avez-vous fait que ce pour lequel vous êtes reconnu : prêter une oreille attentive à ceux et à ce qui vous entourent, et répondre à leurs envies, comme un Dieu asexué pour lequel on prie ? Alors vous avez exaucés leurs désirs, vous avez attrapé votre plus belle plume, et vous avez accouché d’une lettre faussement stylisée, polie, construite, comme tout animateur, me proposant une invitation que je décline là irrespectueusement, parce que suffisant du pouvoir que vous croyez détenir sur tout ce qu’il y a autour. Autour de vous, autour de vous et de votre émission. Si mon autobiographie vous avait réellement émue, touchée, ou même ne serait-ce qu’intrigué, vous n’auriez même pas osé avoir la prétention de croire que j’aurai pu répondre par l’affirmative à votre convocation.
J’ai déjà écris que la contradiction m’avait donné naissance (vous auriez peut-être du me lire en fin de compte, pensez-vous ?), et elle m’épuise mais me garde en vie encore aujourd’hui. Je n’aspire pas à la célébrité, les salons à Paris, les tapis à Cannes, les podiums à New York, tous ces rêves ne sont que minauderies de futures princesses qui idolâtreront la société parce qu’elle leur aura donné une place illuminée dans le monde. Illuminée par leurs doyens : vous. Quand j’ai écris les premiers mots, ainsi que les derniers d’ailleurs, je crachais sur les Grands qui vouent un culte à eux-mêmes et à ce que les autres veulent d’eux, et je crachai sur eux parce que ce sont de ces Grands qui ont osés me donner naissance, à moi et à la marginalité qui me fait tout entier, qui me fait me contenter de moi parce que je fuis le reste. Mes parents auraient joyeusement acceptés votre invitation, et c’est parce qu’ils m’ont blessés, ils m’ont violés, ils m’ont détruits, ils m’ont voulu pathétique à la face du monde, moi, l’Autre, le Différent, je la refuse. Vous m’avez donné une importance dont je me suis toujours caché, et vous persévérer dans votre quête de ma persécution en me demandant le plus innocemment possible, si je peux venir raconter mon histoire, témoigner. Mais témoigner de quoi ? De l’horreur ? Du dégoût ? L’horreur et le dégoût sont partout. Regarder vos invités : ils sont tous horribles et dégoûtants. Ils croient tous parler d’eux pour informer, mais chaque mot qui glisse entre leurs lèvres est métamorphosé par votre machination, et sort d’eux comme un modèle. Un modèle, une étoile, que le monde va suivre. Alors le monde ne sera plus six milliards, il ne sera qu’un, et ses ridicules composants croiront qu’on leur a donné une grandeur pour avoir le pouvoir sur le reste du monde, et toutes les princesses seront écrivains, actrices ou mannequins.
Alors non, je ne viendrais pas. Vous devez être blessé, déçu. Je l’ai été aussi. Faites de mon courrier ce que vous désirez, ce que l’on désire de vous, mais ne croyez pas qu’il me détruira et que je culpabiliserais. Ce ne sera que l’aboutissement de mon œuvre.
Adieu, M.K.

vendredi 18 septembre 2009

Autoportrait d'une injustice de bonheur

Je me souviens, ma renaissance. C’était un matin, comme chacun. J’avais violemment frappé The Connels et m’étais extirpé d’une langueur réconfortante. A genoux sur l’œuvre d’un fabriquant aux intentions perverses, je me retrouvais face à ma glace. J’eu l’impression que l’on me regardait mais ça n’était pas gênant, au contraire, plutôt troublant. Comme si quelqu’un, n’importe qui, dans une rue innocente à tous regards intéressés, me fixant, trouvait derrière ces habits trop larges qu’étaient les miens, un corps aussi pur qu’une âme.
Ces vêtements, je les avais quittés précipitamment la veille, je les avais laissé dormir aux pieds de mon lit. J’étais nue, mais dans la glace, seulement à l’intérieur d’elle, j’étais belle. Quelques mèches de mes cheveux rebellent, qui avaient prit cette teinte dorée et chatoyante de l’été, s’étaient bouclés pendant mon sommeil… Tous les jours, des produits de beauté divers luttaient contre cette révolution, et leur victoire était parfois passionnante. Ma frange, à chaque réveil, fuyait mes yeux, décidant ainsi de les mettre en valeur. Mon regard, troublant regard, me fixait dans la glace, comme il fixait, et encore aujourd’hui, le monde environnant. Il était beau par l’étirement des paupières, la noirceur de courts cils, leur pupille colorée de fraîcheur printanière, d’un ciel sans nuage, d’une herbe juste coupée, d’un soleil brillant… il était beau par ma façon de le cacher, et de cacher alors un peu de ce que j’étais. A l’intérieur, dans cet espace d’une couleur qui n’existe pas, sombre, au centre de ce jeu saisonnier et coulant vers l’extérieur, je pouvais percevoir une illumination, quelques étoiles scintillant le bonheur, l’amour, reflétant la forte envie de rire, de pleurer d’être autant heureuse, de chanter cet air vivifiant, un air de rock, un air d’amour.
Je souriais donc beaucoup à cette époque, et si je ne souriais pas, si mes fines lèvres tant abîmées par l’angoisse, le temps, souvent étirées par un sourire ironique, un rire cristallin, ne dévoilaient pas des dents joliment alignées, mais plus très brillantes, c’est que je pleurais. Alors, un menton tremblant, carré, un front plissé, trop grand, plat, un nez encombrant, gâchaient mon sourire, gâchaient mon regard…
C’était ainsi que je me voyais, mais les pleurs ne tuèrent ni ma vie, ni mon bonheur, par mes yeux inondés.
Ce jour, comme tant d’autres, j’étais heureuse. Je prenais conscience dés l’ouverture de paupières amoureuses des pupilles, de la beauté que peut caresser la vie quand elle est d’humeur généreuse. Elle avait prit forme en mes mains, ce matin là, et s’était posée, impudique, sur ma poitrine trop jeune pour avoir l’indécence de se montrer, de s’exhiber. Ses mains, aux doigts longs de pianiste et aux ongles nacrés, reflétaient par le soin que je leur donnais, une « maniaquerie à l’irréprochable » : toute ma vie, je les ai posé dans le ciel, j’en ai couvert le Soleil, j’ai admiré leur talent d’écriture, j’ai jouis de chatouiller, de faire glisser une matière entre mes doigts. Les voyant posées sur mes seins, sur ces épaules affaissées, sur ces hanches pointues, sur ses longues jambes, sur ce corps inconnu, imparfait, je ne me trouvais pas jolie, mais je ne me trouvais pas laide non plus.
Cependant, ce jour là, je me suis vue, moi, à travers ce corps… J’ai vu le bonheur parfois seulement gâché par un vide, une faille, une simple craquelure à l’intérieur, quelque chose qu’on ne peut pas décrire, un cœur plein de sentiments rieurs, amusés qui parfois, souffrent de ne pas pouvoir pleurer. Oui, j’étais comme cela à cette époque : je trouvais de l’injustice à ce sourire béat sur mes lèvres, alors j’en pleurais. Je crois que j’en pleurais de rire.

dimanche 16 août 2009

F-GMXL vaut tous les Space Mountains du monde

Je suis assise contre un hangar, sur une herbe sèche et jaunâtre. Mon chef m’a accordé gracieusement une journée de congé, après une période difficile où nous livrions plus qu’à la normale, et j’en étais arrivée à un degré de stress, de fatigue, et de folie, qui me faisait voir des millefeuilles de pommes, des veloutés de fois gras, des crèmes de truffes, des fondant au chocolat, des onglets de bœufs et des tartares de saumon dés que mes paupières découvraient mes pupilles déshydratées.
Cela doit faire trois ans maintenant, que je n’ai pas volé. Je n’en n’ai jamais trouvé le temps. Le seul qui m’étais offert, je l’ai toujours passé à écrire, à m’occuper de ma famille… L’altitude me manque. Les sensations de pilote me manquent. La voix nasillarde du contrôleur de la tour me manque. Trois ans. Oui c’est cela, ça fait trois ans, à quelques semaines près. Mon dernier vol remonte à la veille de ma première journée en tant que femme active avec emploi. Je n’avais jamais imaginé qu’il allait être le dernier. Si je l’avais su, j’aurai voulu le perfectionner, faire en sorte qu’il soit le plus beau, que cette heure au niveau des oiseaux soit la plus parfaite, la plus sensationnelle…
Mais je ne pense pas que même si j’avais essayé, j’aurai pu réussir. Il y a des sensations qui sont inimitables, des sensations qu’on ne sait pas décrire, des sensations qui nous prennent et nous emportent qu’une seule fois dans notre vie… Certains ne les connaissent pas, et ces gens là sont ceux que je plain le plus. Il y a différentes façon de se sentir au plus haut, d’avoir le cœur qui bat le plus vite, d’être tellement heureux, de réaliser un moment que l’on a tant attendu. La première fois que l’on fait l’amour, notre premier Space Mountain, la nuit où l’on fait le mur, où l’on brave des interdits, la fois où l’on rencontre une idole, qui nous paraissait jusque là fictive… C’était la plus belle période de ma jeunesse. J’aimais et j’étais aimée, je passais des vacances de glandeuse parisienne sous un Soleil plus ou moins chaud, je sortais, je riais, j’embrassais… et je volais. J’avais commencé un an auparavant, j’avais seize ans. J’avais beaucoup de cours à cette époque, parce que mon instructeur m’avait confié que j’étais proche du lâché.
C’était le six août. C’est une date que l’on n’oublie pas. Comme d’habitude, mon père m’avait emmené à l’aéroclub, et puis il était reparti. Encore une fois, j’aurai voulu qu’il reste, que par ce lien invisible qui créer une famille, il me donne du courage, il me transmette son savoir de l’aviation. J’avais peur. Mon instructeur était sûr de lui, et après quatre tours de pistes presque parfaits, il m’invita à aller au Parking Tour, au lieu du parking de mon aéroclub. J’avais compris. Je coupais les gaz, j’avais peur, mon cœur battait vite. Il me rappela de faire attention à mon plan en finale, et de ne pas arrondir trop haut. Il sortit du cockpit, me rappela :
« Si tu ne le sens pas, remise de gaz ! »
Je fermai un peu la verrière, respirai un grand cou, et m’annonçai sur la fréquence sol, pour des tours de piste. Je poursuivais, roulai jusqu’au point d’arrêt après avoir laissé passer un avion dans lequel les occupants me saluaient. Je vérifiai les commandes « Avant décollage », passai sur la fréquence tour, 118.6, et attendais l’autorisation de décoller. Je m’alignai sur la piste, le plus parfaitement en son milieu, entre le « 0 » et le « 8 ».
« X-Ray Lima autorisé décollage piste 08 dure. »
Je poussai sur la manette de gaz en chuchotant « Rock’N’Roll ». Plein régime. J’annonçai « Badin actif », pour moi-même, et attendais d’atteindre les 110km/h, où enfin, je tirai sur le manche, mon avion se cabrait, et je volais. Seule. Pour la première fois. Je virai au cap 120, coupai la pompe, rentrai les volets, virai à nouveau à droite des lignes haute tension, puis à droite de l’autoroute. Je préparai ma vent arrière, m’annonçai pour un touché sur la 08 gazonnée, et tournai à nouveau au « bâtiment H ». Là, je passai à 1700 RPM de puissance, 500 pieds/minute. Je regardai à ma gauche, observai la piste, cherchai dans la forêt une lignée de sapins qui me signalaient mon dernier virage. Je cherchais mon axe approximativement, mettais les volets à 20°, et corrigeais mon axe, mon plan, ma vitesse.
« X-Ray Lima autorisé touché 08 gazonnée. »
Je compensai à cabrer. Il me semblait que pour une fois, mon plan était parfais. Ma vitesse était juste un peu basse, je poussai sur le manche. J’imaginais mon père m’observant au bord de la piste. Je pensais à ma mère qui venait d’apprendre que j’étais réellement toute seule dans l’avion. J’arrivais au seuil, je réduisis tous les gaz, poursuivis encore un petit peu ma descente, et puis bloquai mon avion sur une assiette de palier, puis de légère monté. Et j’attendais. Quand il me semblai que je n’étais plus trop haut, je tirai un tout petit peu sur le manche. Le train principal toucha le sol, puis la roulette de nez. Je me mis à sourire, à rire même, j’avais presque envie de pleurer. J’avais réalisé un rêve, une fierté. Je remis les gaz, poussai la réchauffe carbu., descendai les volets à 10°, et renouvelai l’opération. C’était mon dernier tour de piste, je m’annonçai pour un complet. A nouveau en finale, j’imaginais mon père, me regardant avec fierté, espérant que je réussisse comme lui il avait réussi auparavant. Je passai un peu au-dessous de mon plan, corrigeai.
« X-Ray Lima en finale pour la 08 gazonnée.
- X-Ray Lima autorisé atterrissage piste 08 gazonnée. »
Je répétai, corrigeai mon plan, ma vitesse… Au seuil de piste j’attendais le plus longtemps possible pour que mon atterrissage soit le plus doux. Kiss. Je gardai mon manche arrière, ralentissais doucement, tournai à la première sortie doucement, sans déraper. Je m’arrêtai derrière les plots, vérifiai ma check-list atterrissage, passai sur la fréquence sol…
« Lognes Sol, Fox-Golf Mike X-Ray Lima rebonjour, piste dégagée pour le parking Paris-Est.
- X-Ray Lima rebonjour, rouler par la droite, croiser avant Novembre et quitter à Paris –Est… Et félicitations ! »
Je lui répondis un tout petit merci. Je riais et pleurais en même temps, en roulant, en prenant presque le Taxi-Way pour une aire de rallye. J’étais tellement heureuse. L’impression de dominer là haut, d’être libre, d’être supérieur, capable de tout. D’être au summum de la puissance, de pouvoir maintenant épater…
Mon père m’avait regardé, en fait. La veille aussi d’ailleurs. Il m’a embrassé, m’a félicité. Mon instructeur aussi. Il devait vraiment avoir confiance en moi ; il m’avait laissé toute seule dans un appareil que personne n’a jamais réussi à dominer, mais que quelques personnes ont voulues apprendre à contrôler. Je faisais partie d’eux maintenant. J’étais pilote.
Je regrette de m’être arrêté. En y réfléchissant, je n’ai pas trop eu le choix. Je prends maintenant, en même temps que j’écris, la décision de m’y remettre. D’emmener tous ceux que j’avais promis d’emmener. Mon père d’abord. Et ma mère aussi… Je veux voler. Je ne veux pas rester assise contre ce hangar, je veux m’approcher de cet avion, comme eux, un casque, un carnet de bord, et une check-list à la main. Sûr d’eux. Je l’ai été, je veux voler à nouveau.

lundi 23 mars 2009

Vivez des émotions cinéma intense, avec Carte Noire...

C’était l’automne. Nous allions voir « Gladiator » qu’un vieux cinéma de banlieue repassait ; un de ces cinémas où la machine à Pop corn fait penser aux films des années 50, où la caissière est une rêveuse qui aurait voulu être star d’Hollywood, qui connaît la vie de chaque acteur un minimum célèbre sur le bout des doigts, et où le nombre de personne dans la salle ne dépasse jamais les dix. Après quelques dizaines de minutes de marche, nous sommes arrivés devant les grandes portes boisées de la cinémathèque. Nous avons tous les cinq mis à exécution notre plan habituel : trois d'entre nous devaient payer des tickets, monter dans la salle, et ouvrir chacun une des portes de sortie de secours pour que les deux autres puissent rentrer… sans payer six euros un film qui était sortit plus de dix ans auparavant. Cette technique avait toujours marché, et ce jour là et pour la première fois, c’était à moi d’attendre l’appelle qui me préviendrait que toutes les portes étaient ouvertes. Dehors, il pleuvait. J’avais jeté mon parapluie tellement j’étais lassé qu’il se retourne sans cesse, et des gouttes tombaient de mes cheveux sur mes épaules en faisant de minuscules éclaboussures. Justin attendait avec moi :
- T’imagines, il y a plus de trois portes à ouvrir ?
- Ce serait con ! Et bah c’est toi qui irai payer, moi je reste là !
- Mais non tu ne devrais pas, la pluie va défaire tout ton brushing…
- Moui ce n’est pas faux, tandis que toi il n’y a rien du tout à défaire ! répliquais-je.
Ce garçon était un des Squatteurs présents à chaque sortie, qui se démenaient pour pouvoir être avec ses amis dés qu’une sortie était prévue, mais qu’une fois avec eux, prenait un malin plaisir à les charrier gentiment, tout particulièrement moi. Cependant, je possédais moi aussi cet amour là, et nous en avions donc crée un jeu de séduction… qui n’avais toujours pas aboutit.
Nous fîmes le tour du bâtiment et, une fois derrière, attendîmes au bas des escaliers : jamais il ne fallait monter, n’importe quel vigil aurait pu passer et comprendre en un rien de temps.
- Au même moment, si on était resté dans notre campagne, on aurait pu se croire dans "Match Point"… Quoique, la ressemblance entre le sex-appeal de Jonathan Rhys-Meyers et le mien est flagrante, mais il est vrai qu’entre Scarlett Johansson et toi… je ne vois pas… sauf peut-être la couleur de cheveux !
- Et puis tu as oublié que Jonathan Rhys-Meyers est une star, ce qu’il ne pourra jamais t’arriver.
Au même moment, la porte en haut de l’escalier en colimaçon s’ouvrit, et Ingrid apparu. Nous montâmes les escaliers quatre à quatre, et traversâmes les couloirs, les portes se fermant les unes après les autres et nous arrivâmes dans la salle tous les cinq. Une fois de plus, nous avions réussi…
Nous nous mîmes tout au fond, comme toujours, et Justin se plaça à côté de moi. Ingrid le surprit :
- Dis donc Justin Bridoux, tu as beau passer ton temps à casser Chayle, à la moindre occasion tu t’assois à côté d’elle. Je vous avais bien dit de ne pas les laisser tous les deux en bas, elle aurait pu se faire violer.
- Mais non voyons, tu ne réalises pas à quel point « Gladiator » est un film d’horreur épouvantable : il va avoir peur, il faut bien que quelqu’un le rassure.
Un spectateur s’essaya devant au moment où le rideau découvrit un immense écran immaculé. Nous étions donc six en tout… Le film commençait... Mon film commençait ! Une main d’homme caressant le blé apparue, un visage triste, un oiseau qui s’envole. La musique qui se fait de plus en plus forte, expectorée par des enceintes puissantes. Je me calai au fond de mon siège et piochai quelques Pop corn dans le cornet d’Ingrid.
- Ca va, tu es allaise ?
- Voilà que tu t’inquiètes de ma santé maintenant, répondis-je à mon voisin.
« Je me suis sentie seule toute ma vie, sauf avec toi. »
- Toi aussi, Chayle, tu t’es sentie seule toute ta vie, sauf avec moi, n’ai-je pas raison.
- Si, tout à fait, ton intelligence me surprend !
- Je te surprends tous les jours de toute façon.
- N’exagères pas quand même !
- Tu peux l’avouer, cela fait du bien parfois, de ne plus cacher ses sentiments ?
- Quels sentiments ? demandai-je à Justin.
- Bah tu m’aimes !
- Hey ! vous ne voulez pas vous taire un peu, y en a qui essaient de se concentrer sur le film ! rétorqua un de nos amis.
Je me tournai alors vers l’écran. Maximus achevait un mot, s’approcha de son amante, et l’embrassa, d’abord du bout des lèvres, puis avec passion. Je tournai un tout petit peu la tête vers mon voisin. Lui aussi me regardait, et me confia :
- Si ce n’est pas mignon !
Je m’approchai de lui et chuchotai :
- Parfois, tu parles trop !
Il approcha lentement son visage du mien, comme pour parer à ce que je n’accepte pas le baiser qu’il allait me donner et, au dernier moment, quand des bruits d’épée sortirent des enceintes, je me replongeai dans mon fauteuil, et empoignai quelques Pop corns, que je lui lançai dessus.

samedi 21 mars 2009

Bourgeoisie campagnarde

J’étais au lycée. C’était un petit lycée de campagne, que la région avait essayé d’édifier le plus près possible du centre ville, qui restait néanmoins bourré de tracteurs et d’hommes aux chapeaux de pailles, emportant avec eux les odeurs plus ou moins nauséabondes du milieu fermier. C’était une école plutôt plate et longue, mais qui donnait l’impression, lors d’une vue d’ensemble, d’être respectée par les autres bâtiments, qui se faisaient petits et rabougris par rapport à elle. Je n’en voulais à personne, ni de m’avoir fait emménagé à la campagne, ni d’avoir fait de ma ville ce qu’elle était : un village bourré de jeunes pseudo délinquant de quatorze ans qui fumaient des joints en jogging Adidas à minuit en taguant des « blazs » différents chaque jour sur des murs que personne ne prenait le temps de regarder (sauf peut-être les jours de marché) ; ou bien des quinquagénaires restant dans leur maison qu’il pleuve ou qu’il vente ou que le soleil brille, caressant leur chat sur leur genoux et appréciant la sensation de douceur qui les envahissait dés lors en regardant « Question pour un champion » ; ou bien des familles qui se promenaient tous les dimanches à quinze heure pour digérer des repas typiques, économiques et équilibrés, ces familles dont l’homme monologuait sur les bienfaits de la nature, la femme l’écoutait d’une oreille qui se faisait distraite, un enfant écoutait de la techno, casque sur les oreilles et mains au fond des poches… Et puis il y avait ceux que je préférais, ceux que j’aimais appeler la Petite Bourgeoisie. Dans un coin du village, là où la campagne se faisait moins abondante, la Petite Bourgeoisie régnait, aimant à se dorer la pilule sous un soleil pale de printemps ou tapant d’été, et rythmant leur vie de soirées réputées.
Je ne savais même pas vraiment pourquoi j’étais là bas. J’avais suivi une bande d’amis qui m’avait prié de les suivre. Je crois qu’on devait fêter les vingt ans de je ne sais quelle futur starlette dénigrant la campagne. Inutile de préciser que je venais les mains vides… vides de cadeaux en tous cas, parce que mon sac que je portais à bout de bras contenant une quantité de préservatifs et de cigarettes que je n’ai pas envie de définir. Si les gens étaient encore habillés autour de la piscine, ils l’étaient avec classe. Les filles portaient des robes parfaites, assorties de bracelets clinquants ou de diamants, et les hommes s’étaient vêtus de chemisettes et de pantalon à pinces des plus ravissants. Les autres possédaient un bronzage parfait, et je suis sûre que même l’intérieur des doigts de pieds avait cette magnifique teinte brunâtre d’été.
Je savais chez qui je me rendais et j’avais prévu le coup. Je me suis tout de suite mise dans l’ambiance en commandant, à un bar peuplé de beau gosses richissimes, un Mojito que j’avala très vite. Je me suis très vite sentie seule, et j’engagea alors la conversation avec un groupe de jeunes qui me paraissaient un peu décalés par rapport au reste de la populace. Nous étions assis en cercle dans des canapés doux et confortables sur lesquels on avait envie de rester toute notre vie, et nous bavardions. Ils étaient une dizaine à s’appeler les Squatteurs. Ils apprenaient par n’importe quelle connaissance l’existence d’une fête, d’un anniversaire, d’un buffet ou d’un concert, et ils faisaient des ces évènements leur principale source de distraction. Ainsi, ils faisaient un nombre de rencontre inimaginable, se trouvaient parfois dans des situations délirantes, et avaient toujours un bon nombre d’anecdotes à raconter.
Il se trouva que ces personnes ne passaient pas leur temps à papoter. Je les vis ce servir au bar, au buffet, et faire des plongeons époustouflant dans une piscine peuplée de couple s’embrassant, d'amis papotant une coupe à la main, de parasites éclaboussant par ci par là, et de groupe ayant passés trop de temps au bar avant de venir faire des sauts dans l'eau claire et chlorée de la piscine … Je restais assise à fumer tranquillement sur un des canapés à côté d’une des Squatteuses.
- Toi aussi tu fais un peu tache sur le tableau ! me dit-elle.
- C'est-à-dire ?
- Tu ne viens pas de ce monde.
- Non ! Je viens du plus profond de la campagne, mais j’ai une vie sociale qui m’emmène dans des endroits où je fais tache !
Elle sourit, me tendit sa main et se présenta :
- Ingrid !
- Michelle. Mais on m’appelle Chayle !
- Chayle, je vais t’apprendre à profiter.
Elle m’invita à me mettre en maillot de bain, et elle fit de même. Malgré le fait qu’elle n’était qu’une Squatteuse, Ingrid avait le même physique prometteur que cette Bourgeoisie et portait un maillot blanc immaculé, sur une peau brunit. Elle sauta dans la piscine gracieusement, sans porter aucune attention à sa couche de cheveux superficielle, alors que toutes les autres baigneuses étaient coiffées d’un brushing qu’elles n’auraient mouillés pour rien au monde.
Je fis une bombe explosive au beau milieu de la piscine, provoquant quelques plaintes et jurons. Vivre du bonheur et de la richesse des autres me convenait, et le côté excentrique, que certains gens repoussaient mais que j’avais en moi, prenait le dessus sur mon instinct calme et respectueux : je voulais vivre de soirée, rencontrer des gens avec qui pouvoir faire des expériences inimaginables. Je sautai, et je commençai une aire d’oisiveté…