samedi 14 novembre 2009

Lettre pour la télévision

samedi 14 novembre 2009
Monsieur,
Je devrais vous remercier parce que l’usage le conseil, mais je n’en suis pas capable. Votre attention ne m’a pas touché, alors que je pense que c’est le premier sentiment qu’elle devrait inspirer pour que quiconque accepte votre proposition. Elle m’a vexé. Vous pensez sûrement que le narcissisme me tuera, mais c’est différent. Je crois que vous ne m’avez pas compris. A travers toutes mes créations et mes établis, je dénonçais l’éclat de l’intime face au monde, je dénonçais la demande que vous m’avez faite. Avez-vous seulement lu mon roman, ou n’avez-vous fait que ce pour lequel vous êtes reconnu : prêter une oreille attentive à ceux et à ce qui vous entourent, et répondre à leurs envies, comme un Dieu asexué pour lequel on prie ? Alors vous avez exaucés leurs désirs, vous avez attrapé votre plus belle plume, et vous avez accouché d’une lettre faussement stylisée, polie, construite, comme tout animateur, me proposant une invitation que je décline là irrespectueusement, parce que suffisant du pouvoir que vous croyez détenir sur tout ce qu’il y a autour. Autour de vous, autour de vous et de votre émission. Si mon autobiographie vous avait réellement émue, touchée, ou même ne serait-ce qu’intrigué, vous n’auriez même pas osé avoir la prétention de croire que j’aurai pu répondre par l’affirmative à votre convocation.
J’ai déjà écris que la contradiction m’avait donné naissance (vous auriez peut-être du me lire en fin de compte, pensez-vous ?), et elle m’épuise mais me garde en vie encore aujourd’hui. Je n’aspire pas à la célébrité, les salons à Paris, les tapis à Cannes, les podiums à New York, tous ces rêves ne sont que minauderies de futures princesses qui idolâtreront la société parce qu’elle leur aura donné une place illuminée dans le monde. Illuminée par leurs doyens : vous. Quand j’ai écris les premiers mots, ainsi que les derniers d’ailleurs, je crachais sur les Grands qui vouent un culte à eux-mêmes et à ce que les autres veulent d’eux, et je crachai sur eux parce que ce sont de ces Grands qui ont osés me donner naissance, à moi et à la marginalité qui me fait tout entier, qui me fait me contenter de moi parce que je fuis le reste. Mes parents auraient joyeusement acceptés votre invitation, et c’est parce qu’ils m’ont blessés, ils m’ont violés, ils m’ont détruits, ils m’ont voulu pathétique à la face du monde, moi, l’Autre, le Différent, je la refuse. Vous m’avez donné une importance dont je me suis toujours caché, et vous persévérer dans votre quête de ma persécution en me demandant le plus innocemment possible, si je peux venir raconter mon histoire, témoigner. Mais témoigner de quoi ? De l’horreur ? Du dégoût ? L’horreur et le dégoût sont partout. Regarder vos invités : ils sont tous horribles et dégoûtants. Ils croient tous parler d’eux pour informer, mais chaque mot qui glisse entre leurs lèvres est métamorphosé par votre machination, et sort d’eux comme un modèle. Un modèle, une étoile, que le monde va suivre. Alors le monde ne sera plus six milliards, il ne sera qu’un, et ses ridicules composants croiront qu’on leur a donné une grandeur pour avoir le pouvoir sur le reste du monde, et toutes les princesses seront écrivains, actrices ou mannequins.
Alors non, je ne viendrais pas. Vous devez être blessé, déçu. Je l’ai été aussi. Faites de mon courrier ce que vous désirez, ce que l’on désire de vous, mais ne croyez pas qu’il me détruira et que je culpabiliserais. Ce ne sera que l’aboutissement de mon œuvre.
Adieu, M.K.

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