
C’était l’automne. Nous allions voir « Gladiator » qu’un vieux cinéma de banlieue repassait ; un de ces cinémas où la machine à Pop corn fait penser aux films des années 50, où la caissière est une rêveuse qui aurait voulu être star d’Hollywood, qui connaît la vie de chaque acteur un minimum célèbre sur le bout des doigts, et où le nombre de personne dans la salle ne dépasse jamais les dix. Après quelques dizaines de minutes de marche, nous sommes arrivés devant les grandes portes boisées de la cinémathèque. Nous avons tous les cinq mis à exécution notre plan habituel : trois d'entre nous devaient payer des tickets, monter dans la salle, et ouvrir chacun une des portes de sortie de secours pour que les deux autres puissent rentrer… sans payer six euros un film qui était sortit plus de dix ans auparavant. Cette technique avait toujours marché, et ce jour là et pour la première fois, c’était à moi d’attendre l’appelle qui me préviendrait que toutes les portes étaient ouvertes. Dehors, il pleuvait. J’avais jeté mon parapluie tellement j’étais lassé qu’il se retourne sans cesse, et des gouttes tombaient de mes cheveux sur mes épaules en faisant de minuscules éclaboussures. Justin attendait avec moi :
- T’imagines, il y a plus de trois portes à ouvrir ?
- Ce serait con ! Et bah c’est toi qui irai payer, moi je reste là !
- Mais non tu ne devrais pas, la pluie va défaire tout ton brushing…
- Moui ce n’est pas faux, tandis que toi il n’y a rien du tout à défaire ! répliquais-je.
Ce garçon était un des Squatteurs présents à chaque sortie, qui se démenaient pour pouvoir être avec ses amis dés qu’une sortie était prévue, mais qu’une fois avec eux, prenait un malin plaisir à les charrier gentiment, tout particulièrement moi. Cependant, je possédais moi aussi cet amour là, et nous en avions donc crée un jeu de séduction… qui n’avais toujours pas aboutit.
Nous fîmes le tour du bâtiment et, une fois derrière, attendîmes au bas des escaliers : jamais il ne fallait monter, n’importe quel vigil aurait pu passer et comprendre en un rien de temps.
- Au même moment, si on était resté dans notre campagne, on aurait pu se croire dans "Match Point"… Quoique, la ressemblance entre le sex-appeal de Jonathan Rhys-Meyers et le mien est flagrante, mais il est vrai qu’entre Scarlett Johansson et toi… je ne vois pas… sauf peut-être la couleur de cheveux !
- Et puis tu as oublié que Jonathan Rhys-Meyers est une star, ce qu’il ne pourra jamais t’arriver.
Au même moment, la porte en haut de l’escalier en colimaçon s’ouvrit, et Ingrid apparu. Nous montâmes les escaliers quatre à quatre, et traversâmes les couloirs, les portes se fermant les unes après les autres et nous arrivâmes dans la salle tous les cinq. Une fois de plus, nous avions réussi…
Nous nous mîmes tout au fond, comme toujours, et Justin se plaça à côté de moi. Ingrid le surprit :
- Dis donc Justin Bridoux, tu as beau passer ton temps à casser Chayle, à la moindre occasion tu t’assois à côté d’elle. Je vous avais bien dit de ne pas les laisser tous les deux en bas, elle aurait pu se faire violer.
- Mais non voyons, tu ne réalises pas à quel point « Gladiator » est un film d’horreur épouvantable : il va avoir peur, il faut bien que quelqu’un le rassure.
Un spectateur s’essaya devant au moment où le rideau découvrit un immense écran immaculé. Nous étions donc six en tout… Le film commençait... Mon film commençait ! Une main d’homme caressant le blé apparue, un visage triste, un oiseau qui s’envole. La musique qui se fait de plus en plus forte, expectorée par des enceintes puissantes. Je me calai au fond de mon siège et piochai quelques Pop corn dans le cornet d’Ingrid.
- Ca va, tu es allaise ?
- Voilà que tu t’inquiètes de ma santé maintenant, répondis-je à mon voisin.
« Je me suis sentie seule toute ma vie, sauf avec toi. »
- Toi aussi, Chayle, tu t’es sentie seule toute ta vie, sauf avec moi, n’ai-je pas raison.
- Si, tout à fait, ton intelligence me surprend !
- Je te surprends tous les jours de toute façon.
- N’exagères pas quand même !
- Tu peux l’avouer, cela fait du bien parfois, de ne plus cacher ses sentiments ?
- Quels sentiments ? demandai-je à Justin.
- Bah tu m’aimes !
- Hey ! vous ne voulez pas vous taire un peu, y en a qui essaient de se concentrer sur le film ! rétorqua un de nos amis.
Je me tournai alors vers l’écran. Maximus achevait un mot, s’approcha de son amante, et l’embrassa, d’abord du bout des lèvres, puis avec passion. Je tournai un tout petit peu la tête vers mon voisin. Lui aussi me regardait, et me confia :
- Si ce n’est pas mignon !
Je m’approchai de lui et chuchotai :
- Parfois, tu parles trop !
Il approcha lentement son visage du mien, comme pour parer à ce que je n’accepte pas le baiser qu’il allait me donner et, au dernier moment, quand des bruits d’épée sortirent des enceintes, je me replongeai dans mon fauteuil, et empoignai quelques Pop corns, que je lui lançai dessus.